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  • : Géopolis
  • : Géopolis est consacré à la géopolitique et à la géostratégie : comprendre la politique internationale et en prévoir les évolutions, les conflits présents et à venir, tel est le propos, rien moins !
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Géopolis

Par ces temps troublés, l'actualité géopolitique inquiète et déconcerte. Les clefs nous manquent souvent pour en appréhender les facteurs d'évolution décisifs. Et en cette matière, les médias communs informent à peu près aussi mal qu'ils sont mal informés. On nous parle beaucoup de "mondialisation", mais la compréhension des désordres mondiaux n'en paraît pas tellement meilleure et les désordres eux-mêmes persistent, redoublent même... Bien sûr, Géopolis n'a pas la prétention de tout savoir et de tout expliquer. Nous tenterons simplement ici avec ceux qui voudront bien nous rejoindre de contribuer à la réflexion, d'éclairer certaines questions d'actualité en apportant des informations passées inaperçues ou des témoignages de première main, et aussi de prendre un peu de distance pour ne pas trop nous laisser impressionner par l'impact immédiat des événements. A qui s'adresse Géopolis ? A nous tous, simples citoyens, parce qu'en nos pays réputés démocratiques, nous sommes à l'origine de choix cruciaux : par le vote, c'est nous qui portons au pouvoir des hommes dont les décisions (ou les indécisions) feront le monde de demain, les guerres, la vie et la mort des pays et des peuples... C'est bien sérieux tout ça ! - Oui, le sujet est sérieux, mais les manières de l'aborder peuvent ne pas l'être toujours. Il sera donc aussi question de traités d'art militaire, de la formation des chefs d'Etat, de romans d'espionnage ou de cinéma...

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 21:21
Cela fait déjà un mois, le 21 août dernier, le grand chef d'orchestre russe d'origine ossète, Valery Guerguiev, donnait sur la place centrale de Tskhinvali, capitale de l'Ossétie du Sud, un concert-requiem à la mémoire des quelque 2.000 de ses compatriotes tués par les bombardements de l'armée géorgienne au début du mois d'août. Ancien directeur musical de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam et premier chef invité du Metropolitan Opera à New York, directeur depuis janvier 2007 de l'Orchestre symphonique de Londres, Guerguiev est un des plus grands. De cette guerre d'Ossétie où il a perdu des amis, il dit notamment ceci, balayant les affabulations des journalistes de salon, BHL et consorts : "En Russie, en Europe et en Amérique, je dirai ce dont je suis sûr : si je n'avais pas su ce qui s'est passé réellement la première nuit [7-8 août 2008], je n'aurais jamais risqué ma réputation".

Au programme, la symphonie n° 7 "Léningrad" de Dimitri Chostakovitch interprêtée avec l'orchestre du théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg devant une foule émue.

Discours et 1ère partie

2e partie
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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 23:11
C'est tout mignon et ça vient de naître : l'Abkhazie, un très joli petit pays au bord de la mer Noire, avec pour capitale Soukhoumi, "le petit Paris du Caucase". Mais peut-être le connaissez-vous mieux sous le nom de Colchide, l'ancien royaume de la toison d'or ? Ce pays mythique au climat doux, montagneux et boisé, où, paraît-il, il y a de l'or, faisait déjà rêver dans la Grèce ancienne. Mais c'est aujourd'hui du tourisme balnéaire que vit surtout l'Abkhazie.
Cap de Pitsunda sur la mer Noire

Monastère du Nouvel Athos

Déjà indépendante de fait de la Géorgie depuis 1992-1993, l'Abkhazie, comme son alliée l'Ossétie du Sud, accède désormais à la reconnaissance internationale puisqu'elle vient d'être reconnue ce jour par la Russie. La quarantaine de pays qui ont cautionné la création du Kosovo, dont la France, devraient suivre rapidement en vertu du respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... n'est-ce pas ?

Toujours est-il que le président abkhaze, Sergueï Bagapch, a fort bien joué dans l'affaire puisqu'il tire profit de la crise ossète tout en épargnant une nouvelle guerre, et les destructions qui vont avec, à un pays qui panse encore les plaies de sa guerre d'indépendance d'il y a 15 ans. La seule opération militaire d'envergure aura été cette fois la reprise par l'armée abkhaze des gorges de Kodori.


Après le Lakotah ( Le retour des Sioux ), Géopolis est ravie de réintégrer l'Abkhazie et l'Ossétie-Alanie dans le concert des nations.


Pauvres Géorgiens ! (mais qui leur a collé un président pareil, l'asinus coronatus du Caucase ?)
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13 août 2008 3 13 /08 /août /2008 21:55
Dans la guerre d'Ossétie, il est un point de vue dont, Russes exceptés, on semble s'être peu inquiété, celui des Ossètes eux-mêmes. La plupart de nos politiciens et journaleux vont même jusqu'à en escamoter le nom, pour ne parler que de "Géorgie". Il est d'ailleurs significatif qu'aucun des émissaires de l'Union européenne n'ait daigné s'arrêter à Tskhinvali, la capitale du pays. Aucun n'a rencontré Edouard Kokoïti, président de la république d'Ossétie du Sud, ou quelque autre représentant ossète. Comme s'ils ne comptaient pas. Comme si leur sort ne comptait pas. Il est manifeste qu'on cherche à accréditer aux yeux du public la fiction d'une "Ossétie géorgienne", fiction puisqu'à défaut d'avoir obtenu sa reconnaissance sur la scène internationale, le pays est indépendant de fait depuis 15 ans. Cependant, avec l'attaque qu'ils viennent de subir, il est clair que les Ossètes ne demandent pas mieux que de se réfugier dans le giron russe qui, seul, les protègera de l'impérialisme géorgien. Cela peut paraître curieux de définir ainsi la politique du président de Géorgie, que je surnommais déjà en octobre 2006 "l'agité du Caucase", alors même que Baltes, Polonais ou Ukrainiens, encore traumatisés par des décennies d'occupation soviétique, croient voir dans les derniers événements une nouvelle manifestation de l'impérialisme russe. Certes, la Russie avance ses pions. Pourtant, vu de Tskhinvali, la menace vient de Tbilissi, non de Moscou. Et ce que l'on pourrait reprocher aux Russes du côté de la Pologne ou de la Lituanie, en Ossétie du Sud c'est aujourd'hui aux Georgiens qu'à bon droit on le reproche.

 Difficile d'appréhender la guerre depuis une cave d'immeuble, mais c'est souvent dans la cave que les guerres se vivent. Voici le témoignage d'un journaliste, Alan Tsorion, présent à Tskhinvali la nuit de l'attaque géorgienne. Témoignage emprunté à RIA Novosti : http://fr.rian.ru/, photos montrant le feu géorgien (Al Jazeera) et le feu russe avec chars camouflés (RIA).
*

TSKHINVALI (Ossétie du Sud), 12 août - RIA Novosti. ... Sept août, le soir. Après tant de tirs et une canonnade interminable, il semble que le silence possède une odeur et que l'on peut le respirer. Une inspiration profonde, et il remplit les poumons, de façon à détendre les entrailles, chiffonnées dans le poing de la guerre comme l'emballage plastique d'un paquet de cigarettes. J'aspire le calme à pleins poumons. Le silence n'est troublé que par le remue-ménage que font des souris, quelque part entre le plafond et le grenier. On a peine à croire qu'à ce moment, quelqu'un peut s'occuper de tâches quotidiennes.

Les rongeurs se consacrent à déplacer et faire rouler quelque chose en permanence, comme s'ils avaient entendu le président géorgien promettre, il y a quelques heures, de ne plus tirer sur la capitale ossète. Et s'il n'y a plus de tirs, on peut reprendre ses occupations habituelles.


Cependant, il ne nous reste que cinq minutes, à moi et mes rongeurs, pour nous consacrer à nos occupations ménagères. A 22h05, les "jeux de souris" sont terminés: Mikhaïl Saakachvili a manqué à sa parole. Les obus tombent sur la ville, les murs et les vitres tremblent. On dirait que des morceaux se détachent du ciel à chaque explosion et, emportés par les ondes de choc, qu'ils s'écrasent contre la fenêtre. Moi et quelques autres personnes descendons à toute vitesse au sous-sol d'un immeuble rue Staline (qui à présent doit déjà être rasée) dans le centre de Tskhinvali.

Tout le monde porte ce qu'il avait comme vêtements au moment du déclenchement des tirs: pantoufles, robes de chambre, culottes... Nombre d'entre nous étaient déjà couchés lorsque les obus géorgiens se sont abattus sur la ville et que toutes les ententes et les promesses s'en sont allées en eau de boudin en même temps que les fragments de maisons et de voitures bousillées.

"Ma tars, ma tars..." ("N'aie pas peur", en ossète), répète une mère essayant de calmer son fils Batradz. Le garçon, qui doit avoir huit ans, cache son visage dans les genoux de celle-ci et, frissonnant au bruit d'une nouvelle explosion, lui demande, angoissé: "Ma, et pourquoi est-ce qu'ils tirent, ne savent-ils pas que demain, c'est l'ouverture des Jeux olympiques? Pourquoi personne ne leur dit que pendant les Jeux olympiques, il est interdit de faire la guerre?".

Vers 23h00, la lumière s'éteint dans notre sous-sol, tout comme dans l'ensemble de la ville. Dans le noir absolu, les sens s'aiguisent. On commence, tel un aveugle, à discerner les moindres nuances de sons, qui se transforment tout de suite en images défilant devant nos yeux non-voyants. Là-haut, à la surface, le ciel nocturne s'éclaire l'espace une seconde, à la suite d'explosions de munitions, puis devient blanc, comme un immense négatif. Les éclats, en rasant le sol, vrombissent tels des bourdons de plomb. Les balles, elles, produisent un sifflement étrange, comme si quelqu'un se préparait à siffler, mais qu'il inhalait de l'air à la place: "fiiii! fiiii!". "Takh-takh-takh... Takh-takh-takh-takh", gronde en cadence un canon installé sur un blindé. "Iratta razma!" ("Ossètes, en avant!" en ossète), entend-on dans la rue. La voix est calme et concentrée. A côté, les pas précipités de six paires de rangers militaires sur du verre cassé et des éclats de briques et de plâtre.

"Ma tars ("n'aie pas peur"), Batradz, ma tars!", les paroles de la mère se perdent dans l'écho d'une explosion d'obus assourdissante qui vient de réduire en miettes la maison voisine. On dirait que quelqu'un a claqué de toutes ses forces une lourde porte. Des miettes de béton pleuvent du plafond du sous-sol...

Mais même les obusiers, installés tout près de nous, à Erghneti et à Nikozi, ne sont pas aussi effrayants que les salves des Grads géorgiens, situés, eux, beaucoup plus loin, à Gori. Leurs roquettes, en s'approchant de la cible, produisent un sifflement s'apparentant au son d'énormes flèches aux pointes ardentes. Les tirs ne sont pas ajustés et les toits des maisons paisibles de Tskhinvali sont ainsi assaillis de nuées de "flèches" à réaction.

Les tirs ne s'arrêtent pas. Les gens se préparent à passer la nuit au sous-sol.


... Le matin. 8 août, 5h00. Les tirs massifs d'artillerie provenant des positions géorgiennes n'ont pas cessé depuis sept heures. Mon téléphone portable n'aura bientôt presque plus de batterie. Il n'y aura donc plus aucune liaison. J'appelle la rédaction pour l'informer que je serai bientôt injoignable, car je n'ai aucune possibilité de le recharger.

La batterie de mon portable est morte vers 9h00. Il fait déjà jour à Tskhinvali. Me rappelant la grande règle - "A la guerre, c'est celui qui court vite qui survit", - je quitte la cave pour m'installer ailleurs. Je cours le long d'un mur, en rentrant la tête dans les épaules. La poussière de la route s'envole çà et là en petites fontaines, soulevée par les balles et les éclats. Des accrochages ont lieu entre les soldats d'élite géorgiens et les combattants ossètes. J'entends les cris des OMONs (police anti-émeute) ossètes: "Vas-y!!! Vite!! Une "boîte" (véhicule blindé de combat d'infanterie) est coincée rue Khetagourova".

Mes jambes plient sous le poids de mon corps mais ne sentent pas la fatigue, je tourne au coin... "DANG!!!!!" - je tombe sur le ventre, ayant reçu un coup violent sur les yeux et les oreilles. Des nuées de poussière tourbillonnent, s'approchent de mes pieds, poussées par l'explosion d'une roquette à cinq mètres de moi. Je me relève. Je cours, en recrachant le sable. De l'autre coté de la rue, quatre soldats ossètes viennent à ma rencontre, l'un d'eux est en train de recharger son fusil d'assaut, sans s'arrêter. "Clac!" - il referme la culasse noire. Le plus âgé d'entre eux ne doit pas avoir plus de 23 ans. Encore quelques pas, et je plonge dans l'entrée d'un immeuble résidentiel de quatre étages.

Dans l'obscurité de l'entrée, je vois des silhouettes masculines. Les femmes et les enfants se sont cachés au sous-sol, sous l'escalier. On entend des pleurs sourds venant d'en bas. "Combien de temps vont-ils encore continuer à nous bombarder? Rendons-nous, avant qu'ils ne nous écrasent tous. La Russie semble nous avoir oubliés!", dit une voix lasse de femme montant du sous-sol. Ici, entouré de vieillards, de femmes et d'enfants, on se sent coupable malgré soi. En ce moment, la place d'un jeune homme est à la guerre, en défense, il ne doit pas rester planqué là, parmi les vieillards et les enfants.

Une vingtaine de personnes se cachent dans ce sous-sol, et presque personne n'ose mettre le nez dehors. Seul le vieux Inal, ancien soldat de la paix ayant participé aux hostilités de 1992, se promène dans la rue en toute sérénité, devant l'entrée, alors que les tirs n'ont pas encore cessé. "On s'en fout de la guerre, l'essentiel ce sont les manoeuvres", répète le vétéran en regardant deux policiers ossètes transporter un soldat blessé à la jambe et au bras.

Le blessé a les yeux fixes ornés de long cils qui s'ouvrent et se ferment à un rythme saccadé, telles les ailes d'un papillon. Il est manifestement choqué par la douleur. Sa robe de camouflage est trouée en deux endroits, du sang écarlate coule sur sa hanche. Le soldat est mis à l'abri dans l'immeuble. Un policier trapu enlève son fusil d'assaut d'un geste familier. La crosse est entourée d'un garrot. Il défait le garrot pour le mettre sur la plaie. L'un des résidents de l'immeuble apporte du chlorure d'ammonium.

"Chaï kho, kouyj kouylykhaï na maly" ("ce n'est rien, un chien ne meurt pas de boiter", en ossète), dit le policier au soldat, qui grimace de douleur. Il frotte avec ses énormes mains d'ouvrier la poitrine du blessé et lave son visage avec de l'eau. "C'est bon, on repart", dit-il, en soutenant le blessé par l'épaule.

"D'où viens-tu, mon gars?", me demande le vieux Inal. "De Moscou, je suis journaliste", lui réponds-je. "Allons casser la croûte", lance l'ancien soldat de la paix d'une voix rauque. "La guerre c'est la guerre, mais on doit quand même manger quelque chose".

"Les Russes vont arriver aujourd'hui, ils nous donneront un coup de main", dit Inal, en allumant une tablette de méthénamine qu'il place sur un fourneau à gaz: "Qu'ils frappent sur Gori, et encore sur Tbilissi, je n'en demande pas plus".

"Les chars géorgiens sont déjà dans la ville, on aura du mal sans l'aide des Russes", affirme l'ancien soldat de la paix en buvant une gorgée de sa tasse de café.

Quant à moi, il ne me reste plus qu'à me taire. Mais notre silence est rompu par l'apparition de deux avions géorgiens Su-25. L'un d'eux, pour le plaisir, tire sur l'immeuble dans lequel nous nous cachons. Inal et moi descendons vite au sous-sol.

Et là, c'est de nouveau l'humidité et l'obscurité. La lumière ne passe que par un petit trou aménagé pour les tuyaux. Il donne sur le sud, là où les troupes géorgiennes attaquent. C'est pourquoi il est déconseillé de placer sa tête devant: des balles le traversent souvent et ricochent après avoir heurté le plafond en béton du sous-sol.

L'idée me vient qu'au cours de ma vie, somme toute assez courte, toute l'instruction que j'ai reçue de mes grands-parents, ma formation et les livres sages que l'ai lus, tout cela m'a servi en fait de préparation pour cet instant, où des obus explosent au-dessus de ma tête et qu'instinctivement, je rentre la tête dans les épaules, et qu'un gros filet de sueur descend le long de mon dos. La mort semble errer tout près de moi, elle sent l'humidité du sous-sol et la croûte attachée à ma pommette. Alors que les avions effectuent un nouveau virage, et que vous savez qu'ils tireront dès que le bourdonnement des turbines se rapprochera et deviendra encore plus mélancolique, à ce moment précis vous commencez à réaliser qu'il pourrait bien s'agir de la dernière journée de votre vie. Ce n'est pas de la peur, c'est plutôt une angoisse extrêmement forte, car vous vous rendez compte que vous n'aurez pas eu le temps de faire ou de dire certaines choses.


Cependant, tout d'un coup, les avions arrêtent leur bombardement et repartent vers le sud, vers la Géorgie. Que se passe-t-il? Au bout de quelques secondes à peine, on entend des centaines de voix crier "Rrrrrrrrrrrraaaaaaaaaaahhhhhh!!!!" Ce sont les combattants dans la rue qui saluent un convoi de troupes russes arrivé à Tskhinvali. "AAAAA!!! Vous êtes là, mes chers enfants!, hurle Inal. Ils vont voir, maintenant, nique leur mère!!!".

Je cours dans la rue et j'entends le bourdonnement des véhicules russes, ils doivent être tout près. Les militaires russes évincent les troupes géorgiennes de Tskhinvali. Un homme accourt, affolé, le regard plein d'effroi: "A l'aide! Qu'est-ce que je dois faire?!!! Je suis Géorgien, je travaillais ici, à Tskhinvali. Je suis ouvrier, où dois-je aller?", crie-t-il dans un mauvais russe. "Sauvez-vous", lui réponds-je, me rendant compte une nouvelle fois de la bassesse de la guerre, faisant souffrir avant tout les civils innocents. Il est 15h00.

A sept heures du soir, lorsque les accrochages et les explosions d'obus se sont un peu calmés, et que les rafales sont devenues plus rares, je quitte la ville de Tskhinvali, en flammes. Les troupes russes ont chassé les militaires géorgiens, mais la guerre n'est pas encore finie. Des civils sont toujours dans la ville. La capitale sud-ossète est encore sous l'emprise ferme des mains sales et tenaces de la guerre. Cette sale guerre déclenchée par surprise, sous couvert de la nuit. La guerre qui continue à faire des victimes parmi les civils. La guerre qui s'empare de l'âme humaine et l'écrase entre ses mains couvertes de sang, comme l'emballage plastique d'un paquet de cigarettes.
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7 août 2008 4 07 /08 /août /2008 23:49
Pour faire oublier le totalitarisme et la corruption de son régime, cf. Les poubelles de Tbilissi et  Géorgie : La révolution des roses a-t'elle accouché d'une dictature ?, le président géorgien a trouvé un excellent dérivatif : la guerre ! Il semble en cela vivement encouragé par ses amis de l'OTAN qui, après avoir forcé l'indépendance du Kosovo, sont beaucoup moins soucieux du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes" dès lors qu'il s'agit de l'Ossétie du Sud. Ce petit pays du Caucase, ancien royaume peuplé de descendants des Alains, avait été intégré comme région autonome à la République socialiste soviétique de Géorgie dans les années 20 - encore un cadeau de Staline ! La suppression de ce statut particulier par les autorités géorgiennes en 1991, provoquant un exode de population vers l'Ossétie russe, suscita en retour un mouvement indépendantiste qui aboutit, après un premier conflit meurtrier, à une indépendance effective en 1994. Celle-ci a été confirmée par deux référendum, le dernier en 2006. Mais du côté de la "Communauté internationale" si prompte à référender au Kosovo, depuis on fait le mort et on affecte de ne pas, surtout pas, reconnaître ce nouvel Etat qui a pourtant davantage de fondements historiques que le susdit Kosovo indépendant.

Mikhaïl Saakachvili vient donc ce jeudi soir de rompre le cessez-le-feu tout juste instauré entre les deux pays après les incidents frontaliers des derniers jours, au prétexte de restaurer l'ordre constitutionnel sur le territoire géorgien... La capitale de l'Ossétie du Sud, Tskhinvali, essuie des bombardements et fait évacuer femmes et enfants vers la Russie voisine et notamment vers la ville de Beslan (Ossétie du Nord - Russie). Côté russe justement, la réponse ne devrait pas se faire attendre : les Cosaques du Don mobilisent sous la direction de l'ataman Viktor Vodolatski, adjoint du gouverneur de la région de Rostov. Et ralliant les Atamans dans leurs campagnes épiques...

Source : http://fr.rian.ru/russia/20080805/115772865.html
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13 janvier 2008 7 13 /01 /janvier /2008 17:04
La petite république russe de Tchétchénie est en pleine reconstruction. L'aéroport de Grozny a rouvert en 2006 et en centre ville les traces du dernier conflit peu à peu s'effacent. Bref, c'est au moment où l'émigration ne se justifie plus que les Tchétchènes arrivent chez nous par avion...

Grozny.jpgIl fait beau sur Grozny
Cet hiver, la ville a même l'air toute proprette sous son blanc manteau de neige
qu'aplanissent d'énergiques babouchkas avec leurs balais de brindilles de bouleau
...comme un bataillon de sorcières !
(Russie, Grozny, 7 janvier 2008 - Stringer/Reuters)
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4 novembre 2007 7 04 /11 /novembre /2007 14:34
Après cet intermède géorgique, revenons aux nouvelles géorgiennes. Comme déjà dit ici :
http://geopolis.over-blog.net/article-13213421.html et là :
http://geopolis.over-blog.net/article-4255629.html
,
tout n'est pas rose chez les amis de Sarközy. Le mouvement de protestation contre la dictature démocratique prend de l'ampleur. Vendredi 2 et samedi 3 novembre, des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés devant le parlement de Tbilissi pour exiger la démission du président Mikheïl Saakachvili.

Georg1.jpg
"Saakachvili s’est comporté d’une telle façon que nous exigeons désormais une Géorgie sans Saakachvili. Démissionne !", déclare Davit Berdzenichvili, un opposant jusqu'ici considéré comme modéré. S'inspirant à rebours de la "révolution douce" qui, avec l'aide des USA, avait porté l'impétrant au pouvoir il y a 4 ans (novembre 2003), une partie des manifestants tient la place du parlement jour et nuit (mais cette fois, pas de tentes US...) et il est question d'une grève générale. Devant ce nouveau raté de leur politique, Daniel Fried, secrétaire d'Etat américain adjoint, et Marc Perrin de Brichambaut, secrétaire général de l'OSCE, ont soudain senti le besoin urgent de rencontrer des chefs de file du mouvement...

L’opposition dénonce la bonne réputation internationale du président qui dissimule la situation réelle du pays : répression, instrumentalisation de la justice et fossé grandissant entre riches et pauvres. "Saakachvili est un menteur. Il a trahi les attentes du peuple. Nous n’avons pas de libertés", remarque une jeune manifestante.

Georg2.jpg
Outre Berdzenichvili, du Parti républicain, les manifestations ont réuni des membres du nouveau Mouvement pour une Géorgie unie d'Irakli Okrouachvili et plusieurs figures de l'opposition comme le député Levan Gatchetchiladzé, Salomé Zourabichvili, ancienne ministre des Affaires étrangères, et Konstantine Gamsakhourdia - ces deux derniers partisans d'une restauration de la monarchie, dont l'idée fait son chemin, - ainsi que le milliardaire géorgien Badri Patarkatsichvili.

Ecœurés par leur président, les Georgiens n'en veulent plus du tout : "Nous n’avons qu’une requête. Que la Géorgie soit sans président !", avait lancé au début du rassemblement Koka Gounsadzé, de Géorgie unie. "Nous, la plupart des partis d’oppositions, croyons que nous devrions avoir une forme de gouvernement parlementaire, et sa forme parfaite est la monarchie constitutionnelle", déclarait déjà le 8 octobre un député du Parti Conservateur, Zviad Dzidzigouri.

Georg3.jpgLe drapeau blanc aux cinq croix, repris de la Géorgie médiévale
Photos armenews

Avis aux présidents qui se croient tout permis : le peuple qui les a élu peut un jour sans crier gare les foutre dehors, et pas besoin d'attendre les prochaines élections pour ça. N'est-ce pas Monsieur 140% ?
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20 octobre 2007 6 20 /10 /octobre /2007 18:36
Depuis 2004, la Géorgie est une démocratie. Un article de Courrier international n° 885 d'octobre 2007 montre les joies de ce nouveau régime salué par la "communauté internationale" et à quel point les Géorgiens en sont contents, ravis même (la situation n'a guère changé depuis ce que j'en disais déjà il y a un an :
http://geopolis.over-blog.net/article-4255629.html
).

Extraits : "Expulsions, confiscations, extorsions : ces termes sortis tout droit des archives des premières années du pouvoir soviétique font désormais partie du quotidien, alors que l'époque actuelle serait, selon le pouvoir géorgien, la plus démocratique que le pays ait jamais connue".

"Aujourd'hui, il est très facile d'expulser des gens d'un immeuble pour le 'privatiser' de force ; on n'a même pas besoin de la décision d'un tribunal, ni d'une disposition gouvernementale. A toute heure du jour et de la nuit (mais surtout la nuit), tout bâtiment sur lequel un haut fonctionnaire a jeté son dévolu peut voir débouler des hommes cagoulés (ou même à visage découvert) qui vont procéder à une évacuation d'urgence, sous n'importe quel prétexte (à la Maison des journalistes, en août dernier, ils ont simulé une alerte à la bombe et les journalistes se sont retrouvés à la rue du jour au lendemain)..."

Et ainsi de suite, pour peu que le bâtiment ait le malheur de plaire aux investisseurs, ou ses habitants celui de déplaire au président démocratique élu démocratiquement, le nommé Saakachvili. A Tbilissi, la capitale, on construit désormais des immeubles de luxe et des hôtels 5 étoiles à tours de bras, on ne sait trop pour qui, vu qu'une partie croissante de la population en est réduite à faire les poubelles.

Chômage et hausse des prix : "Les mendiants sont partout. Ils fouillent les poubelles, récoltent des restes de nourriture et les dévorent avidement sous les yeux des passants. 'Comment peut-on soutenir un pouvoir qui a conduit les gens à de telles extrémités ? Il n'y a jamais eu autant de pauvres du temps des communistes, ni du temps de Chevardnadzé', s'indigne un ancien professeur d'université au chômage."

Mais ouf, le luxe se porte bien : "Les rues du centre-ville ont été envahies de dizaines de boutiques françaises flambant neuves". Même si on y trouve plus de vendeurs que de chalands...

Et surtout il y a les fontaines. Oui, les fontaines à la construction desquelles le président démocratique consacre beaucoup d'argent et qu'il inaugure complaisamment. "Difficile de dire pourquoi les fontaines sont devenues si populaires sous la présidence de Saakachvili, mais la situation confine souvent à l'absurde." Les Géorgiens ont d'ailleurs surnommé leur président "Fontaine Ier”... Pourquoi les fontaines ? Demandez plutôt à Monsieur Jean Tibéri, maire du 5e arrondissement de Paris : c'est un spécialiste.

J'avais évoqué précédemment la pratique de la torture pour extorquer toutes sortes d'aveux des malheureux Géorgiens qui se hasardent à émettre une critique.  "Les gens sont jetés en prison sans procès, sans enquête, les arrestations sont mises en scène pour faire de bons shows télévisés. Nous avons peur de parler." Lors d'un rassemblement d'opposants, le 10 octobre, le principal slogan était d'ailleurs 'Je n'ai pas peur'... tandis que le ministre de l'Intérieur géorgien s'engageait non sans cynisme "à cesser de fabriquer des preuves de détention d'armes et de drogue".

Dernier exemple en date de cet esprit délicieusement démocratique qui souffle sur le pays, l'ancien ministre de la Défense, Irakli Okrouachvili, personnage au demeurant assez peu recommandable (cf. son portrait sur www.armenews.com/article.php3?id_article=32115), passé à l'opposition après un différent avec Fontaine Ier, a récemment dénoncé l'implication du président dans plusieurs assassinats. Arrêté illico (le 27 septembre 2007),  il vient d'être libéré contre une caution faramineuse de 4 millions d'euros. L'assaisonnement des détenus dans les prisons géorgiennes ne semble pas lui avoir réussi car le bouillant Okrouachvili, malgré la brièveté relative de son incarcération, ne serait plus que l'ombre de lui-même... Mais pendant ce temps, à la tribune de l'ONU, sa Majesté Fontaine Ier vante le bilan de son gouvernement en matière de démocratie. Puisqu'il suffit de le dire.

Est-ce que cela choque les gouvernants et les médias des "démocraties occidentales" ? Pas le moins du monde, semble-t-il. Saakachvili reste le gentil démocrate réformateur à qui on sert volontiers la pogne :

G--orgie.jpgDes amis intimes
Photo : www.diplomatie.gouv.fr
Selon des journalistes américains, Nicolas Sarkozy aurait avoué à son homologue et ami géorgien Mikheil Saakachvili ne plus exclure de se retrouver prochainement célibataire. C'est donc à l'agité du Caucase (ça c'est de moi) que notre président réserve les confidences sur sa situation matrimoniale... qui, au demeurant, n'est qu'un secret de Polichinelle et ne date pas d'aujourd'hui mais de 2005.

Curieusement, les journalistes occidentaux s'inquiètent infiniment moins du sort des opposants au régime géorgien que de celui des mafieux dans la Russie poutinienne. Eux qui sont si prolixe sur l'affaire de la journaliste Anna Mazépa, dite Anna Politkovskaïa, ne se soucient guère du sort de leurs homologues géorgiens, tel Chalva Ramichvili, co-fondateur de la chaîne de télévision indépendante 202, condamné le 29 mars 2006 à quatre ans de prison pour avoir voulu dénoncer la corruption du régime.

Que dire de la situation des écrivains, des professeurs d'université et des savants ? Le président Saakachvili, qui ne mâche jamais ses mots, a déclaré qu'il en avait déjà balancé une partie dans les toilettes et que les autres allaient suivre. Depuis, cette ancienne élite de la société s'est baptisée ainsi, les 'tcharetskhilni', littéralement "évacués par la chasse d'eau" (cf. Courrier international). Dire que nos merveilleux journalistes français s'étaient étranglés d'indignation quand Poutine avait vertement déclaré qu'il traquerait les terroristes jusque dans les chiottes. Quelle grossièreté, Messieurs, Dames ! Et là, rien.

Pourtant tout va bien : "En septembre 2007, les rapporteurs de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) ont salué le « progrès remarquable » de la Géorgie sur la voie des réformes depuis la révolution des roses, citant le pays comme exemple pour la région entière et au-delà. La semaine dernière, l’ONG Transparency International a annoncé que la Géorgie avait quitté le groupe de pays considérés comme ayant un problème de « corruption rampante », avec un score de 3.4 points sur un total de 10, une nette amélioration par rapport aux résultats des années précédentes. Ces résultats auront laissé toutefois beaucoup de géorgiens dubitatifs..." Cf. http://www.caucaz.com/home/breve_contenu.php?id=455

Serait-ce que la Géorgie est prête à rejoindre l'Union européenne ? On y pense. Les commissions de coopération du Parlement européen soulignent à propos de l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie « la nécessité de définir clairement une perspective européenne pour ces pays en n’excluant par conséquent pas la possibilité qu’ils deviennent ultérieurement candidats à l’adhésion à l’Union ». L'objectif est : « la pleine intégration de la Géorgie dans l’Union européenne ».

Ma foi, elle remplit déjà tous les critères. Depuis 2004, la Géorgie est une démocratie. Non ?

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21 octobre 2006 6 21 /10 /octobre /2006 22:38
La Géorgie est un pays du Caucase dont on parle peu. Sans doute est-il trop lointain, trop compliqué, et trop éloigné de nos préoccupations pour justifier l'envoi de correspondants sur place. Le peu que l'on en retient est que, comme l'Ukraine, il a connu une révolution pacifique qui a porté au pouvoir un nouveau président réputé démocrate. Et celui-ci bénéficie comme tel d'un a priori favorable.

En novembre 2003, la "révolution des roses" qui conduisit à l'éviction du président géorgien Edouard Chevardnadzé fut en effet saluée par les médias occidentaux comme une victoire de l'esprit démocratique. Chevardnadzé, ancien ministre de Gorbatchev, avait pourtant jusque là une bonne réputation, mais son régime apparut alors excessivement corrompu et les élections parlementaires qui venaient de se dérouler, entachées de fraude. Le 23 novembre, il dut démissionner. Les présidentielles anticipées qui suivirent portèrent au pouvoir en janvier 2004 l'un des principaux candidats de l'opposition en la personne de Mikhaïl Saakachvili, dont les partisans furent aussi les grands vainqueurs des élections législatives de mars 2004 et viennent de remporter les municipales d'octobre 2006.

Vu de l'extérieur, tout semblait donc aller sinon bien, du moins beaucoup mieux au pays des roses. Mais c'était sans compter les épines !

Car, selon l'une des anciennes collaboratrices de Saakachvili aujourd'hui réfugiée à Moscou, Irina Sarichvili, qui dirige le mouvement d'opposition Imedi (Espoir), la Géorgie d'aujourd'hui n'est rien moins qu'une "dictature fondée sur la terreur et la violence" où "les droits démocratiques et les libertés des citoyens sont réprimés" et où le nombre des détenus politiques croît exponentiellement. D'après Madame Sarichvili, plusieurs dizaines de membres de l'opposition seraient en détention de même que nombre de simples citoyens dont le seul tort est d'avoir critiqué le nouveau régime. Ayant elle-même été victime de mesures d'intimidation sous Chevardnadzé, Irina Sarichvili semble savoir de quoi elle parle. Dans une conférence de presse rapportée par l'agence russe RIA Novosti, elle ajoute que, dans les prisons géorgiennes, "les détenus sont victimes de tortures et de brimades massives". "En l'absence de motifs d'inculpation, les procès n'ont jamais lieu. Le fait que les accusations avancées ne soient pas argumentées n'est pas un secret pour les autorités, mais leur objectif est d'arracher des aveux". Et Madame Sarichvili d'en appeler aux organisations internationales de défense des droits de l'homme...

De même, d'après un analyste russe, Piotr Romanov, les militants de l'opposition les plus actifs ont été jetés en prison sous le prétexte de complot et le scrutin a été anticipé de sorte que le reste de l'opposition n'ait pas assez de temps pour se réorganiser. Enfin, toujours selon l'opposition, de véritables "escadrons de la mort" opèreraient depuis longtemps sur le territoire géorgien sous l'oeil approbateur du président.

Et l'opposition géorgienne dénonce également des irrégularités grossières dans les dernières élections municipales où le "Mouvement national" du président Saakachvili a fait un triomphe... jusqu'à recueillir 114% des voix dans l'une des circonscriptions !

Affabulations russes ? Sans doute pas tant que ça, si l'on en croit un rapport d'Amnesty international de novembre 2005 - par conséquent d'un an antérieur aux dernières élections - intitulé pudiquement "Torture et mauvais traitements : des pratiques encore inquiétantes après la révolution des roses". Ce rapport se fonde sur des éléments d’information recueillis sur le terrain au cours de trois missions d'enquête menées à Tbilissi et Zugdidi en 2004 et 2005, ainsi que sur des entretiens avec plusieurs détenus des centres de détention n° 1 de Tbilissi et n° 4 de Zugdidi.

Il y est fait état de tortures et mauvais traitements visant des hommes, des femmes et des enfants en nombre non précisé "en l'absence de statistiques exhaustives et fiables". Suit un florilège des traitements appliqués aux détenus : électrocution, pose de sacs en plastique sur la tête, suspension à une barre entre deux tables, brûlures de cigarette et de bougie, placement du canon d’une arme à feu dans la bouche et menace de tirer, pose d’un bandeau de ruban adhésif sur les yeux, coups donnés avec la paume de la main sur les oreilles, menaces de coups à l’encontre de membres de la famille du détenu, bâillonnement de manière à ce que le détenu ne puisse pas crier, coups de matraque et de crosse de fusil, coups de pied.

Entre autres cas de torture manifeste, Amnesty International présente celui de Gueno Koulava, suspendu à une barre placée entre deux tables et frappé à coups de pied et de matraque, avant d’être projeté à terre, et brûlé à l’avant-bras avec une bougie. Toutefois la plupart des cas sont passés sous silence et les victimes se voient dissuadées de porter plainte sous peine de représailles. Ainsi, malgré les dénégations des autorités locales, un expert médico-légal de Zugdidi rapportait en mai 2005 qu’il avait régulièrement examiné des personnes présentant des lésions corporelles qui avaient pu être causées par des actes de torture ou des mauvais traitements.

Je cite la suite du rapport : "Selon le témoignage de Vakhtang Goutchoua, une quinzaine de policiers, dont un seul ne portait pas de masque, l’ont interpellé chez lui à l’aube du 18 avril. Ils l’ont conduit dans les locaux de l’unité spéciale de la police, rue Kedia, à Zugdidi, et soumis à des mauvais traitements quatre heures durant, jusqu’à environ 8 heures du matin. Selon ses propres termes : "Ils m’ont battu et frappé à coups de pied et de crosse de fusil. J’étais par terre la plupart du temps. Ils voulaient me mettre un sac plastique sur la tête, mais y ont renoncé lorsque je les ai implorés de ne pas le faire en raison de graves problèmes pulmonaires." D’après Vakhtang Goutchoua, les policiers voulaient qu’il signe des "aveux" concernant sa participation en juin 2002 à l’homicide de Jamal Narmania, ancien représentant de l’État dans la région."

Autre exemple : "Alexandre Mkheïdze, architecte âgé de vingt-sept ans, a été arrêté par la police dans le village de Tsqneti, non loin de Tbilissi, le 6 avril 2005. Il affirme avoir été battu et frappé à coups de pied alors que les policiers le conduisaient au ministère des Affaires intérieures, où il aurait de nouveau été battu. Il a ensuite été transféré au centre de détention provisoire n°1 de Tbilissi. Le médecin qui l’a examiné à son arrivée a enregistré sa plainte concernant des mauvais traitements infligés par la police, tout en le jugeant "en bonne santé". Deux jours plus tard seulement, Alexandre Mkheïdze a été examiné lors de son transfert au centre de détention au secret pour enquête n°1 de Tbilissi. Cette fois-ci, le médecin a observé une ecchymose bleu foncé sur son tibia droit, une éraflure sur sa main droite couverte d’une croûte rouge foncé et une ecchymose bleu-jaune foncé sur la partie interne de sa cuisse droite, près de l’aine. Il a ajouté qu’Alexandre Mkheïdze se plaignait de douleurs à la tête, à la nuque et à la colonne vertébrale et affirmait que ces blessures lui avaient été infligées par les policiers dans le village de Tsqneti. Cette allégation a été confirmée deux semaines plus tard par une enquête médico-légale."

En outre, "certaines modifications de la loi adoptées depuis la "révolution de la rose", telles que la négociation de la peine, ont été dénoncées par des avocats et des défenseurs des droits humains convaincus qu’elles accroissaient le risque que les détenus soient soumis à des actes de torture ou autres mauvais traitements aux mains des forces de l’ordre."

Le rapport dénonce aussi l’impunité dans les affaires de torture et s’inquiète de ce que les procureurs n’ouvrent pas systématiquement d’enquêtes sur toutes les allégations de torture et de mauvais traitements. Les auteurs présumés ne sont pas déférés devant la justice et lorsque des enquêtes ont été ouvertes sur de tels faits, elles se sont rarement avérées impartiales. Parfois, les membres du bureau du procureur étaient eux-mêmes impliqués dans les tortures et mauvais traitements censés avoir été infligés au détenu... Souvent, les investigations, démarrées tardivement, n’ont pas été approfondies. Et dans plusieurs affaires, l’enquête n’a pas été menée de manière exhaustive – lorsqu’elle a été diligentée.

Une évolution inquiétante a même été constatée au cours des derniers mois [de 2005] : selon certaines informations, les forces de sécurité auraient, à plusieurs reprises, fait usage d'une force excessive contre des prisonniers, à la suite de quoi plusieurs détenus sont morts et des dizaines ont été grièvement blessés. Il a été allégué également que la police utilise fréquemment une force excessive lors des arrestations, ce qui se solde souvent par la mort des suspects...

Le 19 mai 2006, le Comité contre la torture de l'ONU faisait, dans un rapport assorti de recommandations au gouvernement géorgien, un constat similaire sur, je cite, la persistance de l'impunité et de l'intimidation, en particulier s'agissant du recours excessif à la force, y compris la torture, de la part des responsables de l'application des lois ; sur l'anonymat des unités spéciales de la police, dont les agents sont souvent masqués lorsqu'ils exécutent des opérations d'arrestation et ne portent pas de badges d'identification ; et sur l'absence de textes de loi prévoyant l'octroi sans délai d'une réparation appropriée. Le Comité a également fait part de ses préoccupations quant au nombre élevé de décès soudains lors des gardes à vue, et à l'absence totale d'informations détaillées concernant les enquêtes indépendantes sur ces décès.

De même, selon l'Association des jeunes avocats géorgiens GYLA (pour Georgian Young Lawyers Association), les aveux des prévenus seraient le plus souvent obtenus par la torture sous toutes ses formes (coups, électrocution, étouffement, brûlures diverses et menaces à l’encontre des membres de leurs familles). Mais ce qui inquiète le plus Ana Dolidze, présidente de GYLA, ce sont les déclarations officielles qui, par leur côté rassurant et absolutoire, peuvent constituer, pour les forces de l’ordre, un encouragement à poursuivre en toute impunité la pratique de la violence et de la torture. Elle rappelle, à cet effet, les déclarations du président Saakachvili qui, la veille de la publication du rapport d’Amnesty International, se vantait d’avoir "éradiqué la violence policière" depuis son arrivée au pouvoir...

Devant l'accumulation des témoignages, les satisfecit médiatiques adressés aux autorités géorgiennes ne laissent pas de surprendre, de même que les circonlocutions des observateurs de l'OSCE et de l'Union européenne à propos des dernières élections qui se seraient selon eux déroulées "dans le respect général des libertés fondamentales", malgré les 30% de candidats de l'opposition dont la candidature a été invalidée, les nombreuses circonscriptions où ne se présentait qu'un seul candidat - celui du pouvoir bien entendu, - les programmes dits d'aide sociale et la distribution de compléments de pension lancés à grand renfort de publicité par les autorités en place en pleine campagne électorale, la collusion entre certaines commissions électorales et les activités de campagne du parti au pouvoir, et autres "sérieux problèmes de procédure".

Si l'on ajoute à cela la corruption qui gangrène tout l'appareil de l'Etat et les déclarations bellicistes de Mikhaïl Saakachvili à l'encontre des Ossètes et des Abkhazes... (le nouveau président "démocratique" de Géorgie brigue apparemment le titre disputé d'agité du Caucase)

Bref, tout va bien en Géorgie !
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15 février 2006 3 15 /02 /février /2006 01:03

"Quand l'affect prime, il arrive que la raison s'efface"

Ci-après un article un peu provocant et déjà dépassé (printemps 2005 : F. Aubenas était encore otage en Iraq), mais qui peut faire réfléchir :

Et si Poutine avait raison ? A l’automne 2004, les médias reprochèrent avec véhémence au président de Russie d’avoir empêché la retransmission par les chaînes de télévision russes des images poignantes du massacre de Beslan en Ossétie du Nord : « Les événements tragiques de Beslan ont confirmé la mainmise du Kremlin sur l’information télévisée. Plutôt que de rendre compte de la réalité, les principales chaînes se sont réfugiées dans la fiction. » (Courrier international, n° 724). D’autres tragédies survenues ces derniers temps, en particulier l’attentat sanglant du 11 mars 2004 à Madrid et les prises d’otages répétées en Irak, invitent pourtant à poser une question dérangeante : le contrôle des médias en de telles circonstances relève-t-il d’un vilain penchant pour la dictature ou d’une simple manifestation de bon-sens ?

Pour être tout à fait honnête, il faudrait d’abord oser dire que le gouvernement russe ne contrôle peut-être pas davantage ses médias que le gouvernement français. Si l’on compare les images de Beslan diffusées par les journaux – images prises comme à bout portant par des photographes et des cameramen qu’on avait laissés s’approcher à quelques mètres, – avec les vues de l’accident certes peu glorieux qu’a été chez nous en mai 2004 l’effondrement d'un terminal de l’aéroport de Roissy – vues toutes prises de loin par des journalistes soigneusement tenus à distance, – le contrôle le plus étroit n’est sans doute pas où l’on s’y attendait.

Ces événements ne sont pas du tout de même nature, dira-t-on. Mais précisément : lorsque la presse l’annonça, le drame de Roissy était déjà accompli, l’accident avait eu lieu et, pour les victimes, il était déjà trop tard ; au contraire, lorsque la presse se fit l’écho de la tragédie de Beslan, celle-ci était en cours, des enfants étaient encore vivants qui peut-être allaient mourir atrocement, mais qui peut-être, et c’était l’espoir désespéré de leurs parents, peut-être seraient sauvés. Dans le premier cas, c’est un accident, tragique certes puisqu’il y eut aussi des mort, mais en tant que tel dépourvu d’intention. En revanche, dans le cas de Beslan ou des prises d’otages occidentaux en Irak, l’immédiateté de l'image n’est pas innocente : une intention précise la conditionne.

Ce massacre délibéré d’enfants aurait-il eu lieu tel qu’il a eu lieu s’il ne s’était déroulé devant, et même pour, les caméras ? Ce n’est pas que les images soient truquées. Elles sont « vraies » et restituent à n’en pas douter une réalité. Mais pour être vraies, elles n’en portent pas moins une intention maligne, et cette intention maligne c’est nous aussi, nous spectateurs, qu’elle veut toucher. Les images animées de cette catégorie, celle de la violence intentionnelle, ne sont jamais gratuites. L’horreur des faits en devenir sous nos yeux n’a alors pour autre but que de graver en nous des images, des images qui nous émeuvent et nous ébranlent d’autant plus violemment que la tragédie n’est pas encore accomplie, que peut-être la mort annoncée n’est pas inéluctable, n’aura pas lieu.

Mais comment se réjouir comme d’une « très bonne nouvelle » (Serge July dans Libération) de la vidéo nouvellement apparue de Florence Aubenas affamée, torturée ? [avril 2005, n.d.l.r.] Elle est en vie et c’est notre espérance que les terroristes manipulent. Nos sentiments, notre compassion, notre inclination naturelle à l'empathie, notre humanité même sont le jouet des preneurs d'otages. Qui ne s’est vu soi-même, ne serait-ce qu’un instant, à la place de Florence [Aubenas] ? Qui n’a rêvé que, transporté par magie quelque part en Irak, par un exploit héroïque, il l’en ramenait saine et sauve ? Une délivrance qui serait aussi notre délivrance à travers son image.

Mais quand l'affect prime, il arrive que la raison s'efface, comme lors des dernières élections espagnoles. Or c’est précisément ce que veulent les terroristes et assimilés. Dans le cas de Florence [Aubenas], les semaines d'incertitude, sans nouvelles - et sans images - mettent l'otage en condition et assurent aux images attendues le plus grand impact. Que le gouvernement français censure à juste titre une première vidéo, une autre aussitôt sera adressée directement aux médias pour garantir sa diffusion. Et que voit-on ? Que ne peut-on pas manquer de voir ? Une femme qui souffre, contraste absolu avec la photo souriante que la presse nous avait donnée d’elle. Et il ne fait pas de doute que ce contraste aussi, ses ravisseurs l’ont voulu, de la même manière qu’il leur a plu de réveiller la zizanie de « l’affaire Julia ».

Le goût pour le sensationnalisme des journaux télévisés s'accorde trop facilement avec la surenchère terroriste. Ils savent s'en servir. Alors prenons garde. Prenons garde aux images vraies. Prenons garde que nos télévisions ne soient complices. Prenons garde aux images produites par les criminels car elles sont images criminelles. Images terroristes.

[paru dans "Les Epées", n° 15]

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